Franz Marc et la recherche de spiritualité

Franz Marc est né en 1880 à Munich dans le contexte dit de « l’année des peintres », à l’apogée de Kirchner et Hoffman, fondateurs du Die Brucke. Il grandit au sein d’une famille protestante, ce qui fait de lui un homme très ouvert d’esprit. Franz Marc s’est intéressé à la peinture grâce à son père, lui-même artiste-peintre. Il devient peintre animalier, graveur, pastelliste, aquarelliste, lithographe ou encore écrivain. En 1937, Marc fait partie des artistes exposés par les nationaux-socialistes à l’exposition « d’art dégénéré ». En effet, un mouvement est né contre l’Art Moderne : celui de l’expressionnisme que nous pouvons rattacher à une partie de la carrière de Marc.

Un évènement majeur marque l’évolution picturale de Marc : sa rencontre avec  Kandinsky à l’exposition NKVM ce qui aboutira à la création, un an plus tard, du Blaue Reiter. Marc surmonte l’impressionnisme, il développe son propre style expressionniste dans lequel la couleur joue un rôle fondamental. La traduction naturaliste des animaux dans sa peinture ne le préoccupe pas du tout mais il s’intéresse à ses sentiments profonds pour en donner sa propre perception des choses. Son travail le conduit ensuite à découvrir l’abstraction, qu’il n’eut pas le temps d’exploiter à cause de la Première Guerre Mondiale et qui fera disparaître le nom de Franz Marc.

Le cavalier bleu et son cheval, 1912, Encre et encre de Chine, 15,4 x 11,4 cm, Munich, Bayerische Staatsgemaldesammlugen

Le cavalier bleu et son cheval, 1912, Encre et encre de Chine,                     15,4 x 11,4 cm,                          Munich, Bayerische Staatsgemaldesammlugen

Nous ne pouvons pas dire que Franz Marc a simplement été un peintre expressionniste car il a évolué avec ses idées, cherchant son propre style. Il était en même temps peintre expressionniste et artiste abstrait. Dans ses tableaux, l’expressionnisme se manifeste par la liberté de son art : il déforme la réalité pour inspirer au spectateur des réactions émotionnelles. Toutefois, nous pouvons voir que sa méthode diffère du pur expressionnisme allemand car Marc ne déforme pas la réalité (déformation caractéristique  du mouvement), il cherche quelque chose de plus spirituel, de plus noble. Dans son travail, il se concentre sur la présentation du monde terrestre, sur la recherche de l’harmonie et du pur spirituel. Il représente les animaux d’une manière pure et belle, comme s’il s’agissait de la matière de l’âme elle-même.

Quand on pense à la théorie des couleurs on pense à Kandinsky, qui en 1911 a publié son traité « Du Spirituel dans l’art » où il montre et explique la signification et la force spirituelle des couleurs. Cependant, il n’était pas seul à s’intéresser à la recherche essentielle des couleurs. Franz Marc pendant la recherche de son prote style, porte une grande partie de son travail sur la signification des couleurs. Comme Kandinsky, il cherche quelque chose plus céleste, plus pur. «Marc s’était depuis longtemps occupé de la théorie des couleurs sans remettre en question les anciennes règles d’emploi des cultures complémentaires ». Cependant, la révolution avait eu lieu à la fin de l’année 1910 quand Marc a trouvé ses propres visions et idées avec l’aide de son ami August Macke. Il s’est séparé des artistes qui prenaient la lumière pour de la couleur. Il explique que la couleur est quelque chose de totalement différent et qu’on ne peut pas mélanger ces deux choses. Il a cherché la simplification chromatique et formelle, l’harmonie, le spirituel du monde terrestre. Il abandonné le phénomène du cercle chromatique, il était opposé à la théorie de la représentation des couleurs primaires à côté des couleurs secondaires. Il pensait que les couleurs complémentaires se recentraient seulement au coeur des objets et qu’on ne pouvait jamais les voir ensembles.

The Little Blue Horses,         1911, huile sur toile,          61 x 101 cm,          Staatsgalerie,    Stuttgart, Germany

The Little Blue Horses,                                                 1911, huile sur toile,
61 x 101 cm,
Staatsgalerie,
Stuttgart, Germany

C’est ce qu’il explique dans une lettre adressée à August Macke en décembre 1910 : « Le bleu est le symbole du principe masculin, rude et spirituel. Le jaune est très peu présent : symbole de la femme, de la douceur, de la sensualité et de la gaieté. Rouge combattu (en arrière-plan) par les deux autres (jaune et bleu) symbolisant l’attribut de la matière, lourd et brutal. » « Les couleurs transposent les symboles animaliers sur les autels d’une religion à venir, les transforment en support d’expression du spirituel, ce concept idéal, inaccessible, auquel le Cavalier Bleu consacre son œuvre et la richesse de ses idées. »

Dans sa théorie Marc se réfère à sa couleur préférée, le bleu, la signification du masculin et du spirituel.  Il explique encore une fois le rapport entre les couleurs primaires « malgré toutes les analyses spectrales, je ne peux pas refaire la croyance du peintre que le jaune (la femme) est le plus proche de la terre rouge que le bleu, le principe masculin. Il aborde les couleurs secondaires (vert, violet et orange) qui sont les résultats du mélange de deux couleurs primaires et leur rapport avec les couleurs complémentaires – « le bleu et le orange un ton absolument solennel »

Dans les étapes de la création d’oeuvres, sa théorie des couleurs joue un grand rôle pour Macke, Delaunay et certains futuristes. Il s’occupe de la théorie de la relation entre les couleurs complémentaires et des contrastes stimulants. Macke lui montre la route de l’harmonie entre les couleurs, Delaunay explique que la couleur est pour lui l’objet qui est le plus important dans le tableau et même les futuristes ont un grand rôle dans la création de ses propres idées. Grâce à eux, il a rencontré la simultanéité et la vitesse des couleurs.
La totalité de sa théorie des couleurs présente la série des tableaux représentant son sujet préféré : les chevaux. Il représente avec l’aide des couleurs primaires et leurs complémentaires les bleus, jaunes et rouges, expliquées par sa propre idée de la signification.

Ses tableaux se caractérisent par sa touche large et puissante, par des couleurs intense et pures. C’est en 1913 que nous pouvons voir apparaître des touches abstraites dans sa peinture avec l’insertion de motifs géométriques. Il reste toujours fidèle à l’importance de l’objet dans le tableau. Cependant, sa peinture évolue grâce aux impulsions des futuristes et au contact de Delaunay : elle est devenue plus géométrique, plus construite. Marc commence à peindre des toiles non figuratives et en conséquence son sujet préféré – les animaux – prend de moins en moins d’importance dans ses toiles. Marc n’utilise désormais plus les animaux comme objet de sa recherche de spiritualité ou pour représenter sa personnalité, ses sentiments et son âme.

Blue Horse with Rainbow (Blaues Pferd mit Regenbogen), 1913, Watercolor, gouache and pencil on paper, 16,5 x 26cm, john S. Newberry Collections, copyright: MoMa

Blue Horse with Rainbow (Blaues Pferd mit Regenbogen), 1913, Watercolor, gouache and pencil on paper, 16,5 x 26cm, john S. Newberry Collections, copyright: MoMa

Dans la lettre adressée à Maria Marc, datée du 12 avril 1915, Marc écrit le résumé de son travail artistique : « Et à partir de l’animal, un instinct me poussa vers l’abstrait qui m’excitait encore plus : je ressentis très tôt l’être humain comme un être « laid » ; l’animal me semblait plus beau, plus pur, je découvrais cependant en lui aussi tant de choses contraires aux sentiments et laides, que mes représentations revinrent instinctivement de plus en plus schématiques et abstraits ».

Marc décède en mars 1916 sur le front de la Premier Guerre Mondiale, près de Verdun. Cet accident tragique met fin à sa très riche carrière. Dans les mémoires de l’histoire de l’art, Marc devient un peintre extraordinaire, ses œuvres ont changé la vision et le traitement de l’art.

Gabriela P.

Sources:

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